
Saisie par une sollicitation citoyenne, la Cour des comptes vient de faire paraître le premier rapport d’étude qu’elle consacre à l’Économie sociale et solidaire (ESS).
Reconnue comme « mode d’entreprendre et de développement économique » par la loi du 31 juillet 2014, l’ESS représente plus de 150 000 entreprises employeuses coopératives, mutualistes, associatives, fondatives et sociétés commerciales qui emploient plus de 2,6 millions de salarié.e.s, soit 13.7 % de l’emploi privé.
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Jusqu’à la publication de ce rapport, les chiffres relatifs aux soutiens publics à l’ESS n’avaient jamais été agrégés. La Cour indique que l’Etat consacre 16 milliards d’euros en soutien à l’ESS, soit 3,61 % des dépenses nettes de l’Etat en 2024 sous forme de subventions, aides aux postes, produits de tarification, etc. La totalité de ces soutiens fait l’objet de conventions fixant des objectifs en matière de contribution aux politiques publiques et donc à l’intérêt général, tangibles dans le quotidien des Françaises et des Français.
Alors que le Sénat a évalué à 211 milliards le montant des aides publiques aux entreprises, les 16 milliards d’euros supplémentaires en soutien à l’ESS ne représentent donc que 7 % du total des aides aux entreprises. Ce montant est bien inférieur à la part de l'ESS dans l’emploi privé. De plus, le travail de la Cour démontre que seules 4 % des entreprises de l’ESS bénéficient de subventions.
Le rapport de la Cour des Comptes tord le cou à la fable d’une économie subventionnée. L’ESS reçoit en réalité moins de soutien que l’économie conventionnelle.
L’économie sociale et solidaire va désormais pouvoir s’appuyer sur les analyses et recommandations de la Cour des Comptes pour construire un dialogue plus solide et stratégique avec les pouvoirs publics et les autres acteurs économiques. Ce dialogue sera enfin débarrassé des préjugés et des représentations archaïques qui ont souvent cours à propos de l’ESS.
De plus, la Cour des comptes approuve de nombreuses analyses et demandes portées par les représentants de l’ESS, au premier rang desquels ESS France.
L’étude met en évidence le rôle considérable joué par l’ESS dans la mise en œuvre des politiques publiques. La Cour démontre notamment que 80 % des subventions touchées par l’ESS sont des dépenses pour garantir des droits ou assurer des services dans le prolongement de l’action de l’Etat, prouvant que l’ESS est une économie indissociable de l’intérêt général.
Les chiffres présentés par la Cour démontrent également, qu’à champ constant et en corrigeant l’inflation, les subventions dédiées à l’ESS augmentent moins que le budget de l’Etat, et ce malgré l’augmentation des besoins sociaux auxquels l’ESS apporte des réponses. Ces éléments confirment l’insuffisance des moyens publics en soutien à l’ESS.
Néanmoins, ESS France note que la Cour n’a pas effectué de travail d’agrégation des résultats des services rendus par l’ESS à la société et omet de rappeler que l’ensemble des transferts publics à l’ESS font l’objet de contreparties et de contraintes réglementaires significatives. Ce point paraît pourtant particulièrement essentiel, en miroir des aides publiques versées aux entreprises lucratives sans conditionnalité ni contrepartie.
Le rapport note l’absence de pilotage stratégique de l’Etat des politiques publiques relatives à l’ESS, un état de fait depuis longtemps souligné par ESS France. Stabiliser l’approche de l’État en matière d’ESS figure au premier rang des recommandations de la Cour. La France doit adopter prochainement une stratégie nationale de développement de l’ESS, ce qui constitue une occasion historique de déployer enfin une politique ambitieuse en faveur de l’ESS.
La Cour recommande également la mise en œuvre d’un compte satellite ESS qui permettra de mieux connaître les réalisations de l’ESS ainsi que les tendances qui concernent les modèles économiques de ses entreprises et organisations.
De plus, la Cour encourage l’Etat et ses opérateurs, BPIFrance en particulier, à faire évoluer leur doctrine relative au financement des entreprises de l’ESS. Cette demande a récemment été formulée par ESS France au cours de la Conférence des Financeurs de l’ESS organisée à Bercy.
La Cour relève l’absence de stratégie pour l’innovation sociale, ce qui prive la France de chances pour trouver des solutions aux besoins de protection et de transitions auxquelles elle doit faire face.
Enfin, les réseaux représentatifs de l’ESS partagent le constat d’un écosystème de soutien aux entreprises de l’ESS très faiblement soutenu par l’État et donc peu lisible et incomplet. Il en résulte une forme d’« archipélisation » de cet écosystème qui ne bénéficiait que de 20,1 millions d’euros d’aides de l’État pour 2024, un montant ensuite réduit par des gels de crédits. La situation des Chambres Régionales de l’ESS (CRESS) illustre bien les conséquences de la faiblesse de ces moyens. Elles ne jouissent pas des moyens leur permettant de réaliser leurs missions légales de développement de l’ESS, des missions pourtant analogues à celles des réseaux consulaires qui agissent au profit de l’économie lucrative et dont on connaît l’ampleur des moyens. Cette analyse manque au rapport, elle aurait permis de mettre en évidence une inégalité supplémentaire en comparaison des aides spécifiques au développement de l’économie lucrative.
“Ce rapport constitue une étape décisive dans la reconnaissance de l’ESS qui, en tant que mouvement d’entreprises et force de la société civile, se situe souvent à l’interface entre la puissance publique et le marché. Les acteurs de l’ESS affichent leur grande détermination à prendre appui sur ce rapport pour mettre en œuvre au plus vite les recommandations qu’il formule et nourrir la Stratégie nationale de développement de l’ESS qui doit bientôt être adoptée.” explique Benoît Hamon, Président d’ESS France
Source ESS France // Télécharger la publication